Des slalomeurs au top dans le bassin d’eaux-vives de Deodoro
Le Français Denis Gargaud-Chanut (C1 hommes), le Britannique Joseph Clarke (K1 hommes), l’Espagnole Maialen Chourraut (K1 dames) et le tandem slovaque Ladislav et Peter Skantar (C2 hommes) sont les vainqueurs des Jeux Olympiques de Rio 2016 en canoë-kayak slalom dans le bouillonnant bassin de Deodoro.
Les compétitions de slalom ont démarré le 9 août avec la finale du canoë monoplace masculin. Âgé de 29 ans, le Français d’origine marseillaise Denis Gargaud-Chanut, originaire de Marseille champion du monde en 2011, a devancé de peu le Slovaque Matej Benus (à 85 centièmes), mais n'a jamais été inquiété par les autres concurrents, le Japonais Takuya Haneda étant relégué à plus de trois secondes pour la médaille de bronze. Gargaud-Chanut a effectué un parcours sans faute et s’est montré le plus rapide en finale, succédant ainsi à son compatriote triple champion olympique Tony Estanguet.
« Je me suis régalé parce que c'est ce que j'aime, avoir de la pression, de l'enjeu, ça correspond à mon profil d’athlète, a dit Denis Gargaud-Chanut. Il y a eu un moment où je me suis dit que j’étais au-dessus des autres, mais j'ai pris deux ou trois vagues dans la tête, ça m'a vite rappelé à l'ordre. La stratégie, c'était de faire un haut du parcours plutôt sécurisant en ayant la possibilité de jouer en bas avec le chrono, c'est ce que j'ai réussi à faire. En bas, je m'arrache comme un dingue ! » Comme un symbole, c'est Estanguet lui-même, vainqueur pour la dernière fois en 2012 avant d’être élu par ses pairs à la commission des athlètes du CIO, qui a remis à Gargaud-Chanut sa médaille, avant qu'une centaine de supporters français très chauds n'entonnent à l'unisson la Marseillaise.
Matej Benus, héritier du grand Michal Martikan (champion olympique en 1996 et 2008) a réalisé un parcours canon qui lui a permis de s’installer à la première place en finale avant la descente de Denis Gargaud-Chanut. « C’était mon rêve de gagner une médaille aux Jeux Olympiques et de la ramener à la maison, a-t-il dit. En finale, j’ai fait un très bon run, plus rapide de cinq secondes par rapport à ma demi-finale. Il y avait beaucoup de fans slovaques ici, il y avait donc une grande ambiance ».
Takuya Haneda remporte la première médaille olympique du Japon en canoë slalom, après avoir lui aussi réalisé un des runs les plus rapides sans prendre de pénalité. « Cela fait longtemps que je me prépare pour ces Jeux. Je savais que je devais gagner une médaille à Rio. Je m’entraîne en Slovaquie depuis que j’ai 19 ans, je suis donc ravi de ce résultat. Je suis très reconnaissant à ma famille qui m’a soutenu quand j’étais en Slovaquie, c’est à elle que j’ai montré ma médaille en premier. C’est la première de l’équipe du Japon de canoë. Je pense qu’elle est pour tous les Japonais et je me sens très honoré. »
Joseph Clarke slalome vers la gloire en K1 hommes
« Je ne peux pas rassembler mes mots ! Ils risquent de sortir en désordre. Je suis si content ! J’ai tant de souvenirs merveilleux dans ce sport, et celui-ci les dépasse tous, en un seul jour », s’est exclamé le Britannique Joseph Clarke, sacré champion olympique du K1 slalom le 10 août.
Troisième temps des demi-finales dans le bouillonnant bassin d’eaux-vives de Deodoro, Clarke l'a emporté en 88 sec 53 devant le Slovène Peter Kauzer, auteur également d’un sans faute mais battu de 17 centièmes de seconde. Le Tchèque Jiri Prskavec, qui semblait le plus rapide, a pour sa part touché une porte dans sa descente et a écopé d'une pénalité pour se retrouver troisième. En 4e position, l’Allemand Hannes Aigner, médaillé de bronze à Londres il y a quatre ans, a lui aussi réussi un sans faute, mais il a concédé 49 centièmes au vainqueur et termine à 3 centièmes du podium.
Le run très rapide et sans faute du Britannique lui permet succéder à l'Italien Daniele Molmenti, sacré à Londres en 2012, et de gagner la deuxième médaille d’or britannique en canoë-kayak slalom après celle de Timothy Baillie et Etienne Stott en C2 il y a quatre ans. Le Slovaque Jakub Grigar, meilleur temps des demi-finales, n'a pris que la 5e place.
Vainqueur des sélections britanniques en octobre dernier, Clarke, originaire de Stoke-on-Trent, n'avait jusqu'ici remporté aucun titre majeur et avait terminé cette année 10e des Championnats d'Europe. Le Brésilien Pedro Da Silva, 10e temps des demi-finales et qui s'élançait en premier, a longtemps occupé la tête du classement, sous les ovations du public carioca, avant de décrocher une belle 6e place.
Sur la façon dont il a géré sa compétition, Joseph Clarke a expliqué : « Je la voulais construire à travers les tours. J’ai fait une bonne qualification, 2e des séries, puis je me suis classé 3e des demi-finales, et là, j’ai su que ça viendrait naturellement au bon moment. J’ai en quelque sorte tout rassemblé et je suis reparti avec la médaillé d’or ».
Il restait encore deux concurrents à descendre dans le parcours en finale, après Clarke. « C’était très difficile. J’étais sur les nerfs, mais j’avais fait mon job et je ne pouvais plus rien contrôler. Je savais que j’avais déjà le bronze, et puis c’est devenu de l’argent, et puis de l’or. Fantastique ! »
Peter Kauzer l’a dit, il avait déjà disputé deux Jeux Olympiques et n’avait pas connu la réussite. « Je me suis dit : ‘Vvoyons voir si le sort sera favorable la 3e fois’. J’imagine qu’il était de mon côté aujourd’hui. Ça a été dur de revenir parce que j’ai eu une mauvaise blessure il y a deux ans, et je m’étais abimé l’épaule lors de la course olympique à Londres en 2012. J’apprécie encore plus cette médaille d’argent ! »
Pour Jiri Prskavec, qui semblait bien parti pour faire un gros coup, « c’était très bon en qualifications et en demi-finale mais pas autant en finale. Pour moi, la médaille olympique, c’est le rêve de tout sportif. Et je suis heureux d’être sur le podium. »
Descente dorée pour Maialein Chourraut en K1 dames
Le 11 août, l’Espagnole Maialen Chourraut, médaillée de bronze quatre ans plus tôt à Londres, est devenue championne olympique de kayak monoplace slalom (K1). En l'absence de la championne olympique en titre, la Française Emilie Fer, qui ne s'était pas qualifiée pour Rio, l'Espagnole a devancé la surprenante Néo-Zélandaise Luuka Jones et l’Australienne Jessica Fox. Jessica Fox avait remporté la médaille d’argent en 2012.
Troisième temps des demi-finales, Maialen Chourraut a réalisé un sans-faute ultra-rapide pour devancer de plus de trois secondes l'inattendue Néo-Zélandaise et l'Australienne qui ont commis une faute chacune. Deuxième temps des demi-finales, la Britannique Fiona Pennie, avec deux fautes, a hypothéqué toutes ses chances de médaille pour finir 6e tout comme l'Autrichienne Corinne Kuhnle, qui la devance d'une place.
Quand on demande à la championne olympique comment elle a vécu sa journée dans le bassin d’eaux vives, elle répond : « Je suis venue aux Jeux pour atteindre la finale. Nous avons disputé les séries, puis la demi-finale, et je ne ressentais rien. Je me concentrais et je continuais. Tout est flou dans ma tête. Il va falloir que je regarde la vidéo, pour le moment, je ne me souviens de rien !».
Mais une chose est sûre après une 16e place à Beijing 2008, et le bronze à Londres 2012, le titre est à elle ! « Quand j’ai commencé à pagayer, mon entraîneur Xabier Extaniz, qui est aussi mon mari, a dit à notre petite équipe l’importance de la persévérance. Je crois que c’est ça la clé. » Maialen Chourraut, maman d’une petite Ane, ne sait pas si elle ira défendre son titre à Tokyo en 2020 : « Je vais voir au jour le jour et continuer à m’entrainer. Mais maintenant, je vais profiter de ma journée et prendre du bon temps ! »
Quand Luuka Jones a été assurée de la médaille d’argent, deux membres de son entourage se sont jetés à l’eau. « C’était mon coéquipier Mike Dawson et Bryden Nicholas des Iles Cook. Je ne me souviens pas de ce que j’ai dit, mais c’était quelque chose du genre « On l’a fait! ». J’étais folle de bonheur, c’était un moment incroyable à partager avec mon coéquipier, Mike, qui a travaillé dur pour se qualifier. Cette médaille, c’est énorme. Je pense que cela attire les regards sur le canoë-kayak néo-zélandais. Ce n’est pas un sport majeur dans notre pays, mais nous avons maintenant un bassin d’eaux-vives à Auckland et les jeunes qui arrivent auront peut-être un peu plus de soutien. J’espère que mon podium olympique va changer les choses ! »
Jessica Fox résume bien les choses : « Je suis ravie de gagner une nouvelle médaille, et très heureuse de partager à nouveau le podium avec Maialen, et de l’avoir vu réaliser un run phénoménal, et de voir Luuka aussi. Nous sommes voisines, de la « Team Oceania », c’est donc très cool de voir deux pagayeuses de notre continent sur le podium aussi ! ».
Victoire pour les cousins Ladislav et Pavel Skantar en C2
Le dernier titre en slalom des Jeux de Rio 2016 a été attribué aux Slovaques Ladislav et Peter Skantar en canoë biplace C2. Ils ont devancé les Britanniques David Florence et Richard Hounslow, déjà médaillés d'argent à Londres 2012, et les Français Gauthier Klauss et Matthieu Péché, restés au pied du podium il y a quatre ans. Les Tchèques Jonas Kaspar et Marek Sindler, bien partis, ont sombré tandis que les Allemands Franz Anton et Jan Benzien, meilleurs temps des demi-finales, ont craqué dans le final et se sont classés 4es.
Les cousins Skantar ont honoré la fière tradition slovaque en C2, et de la plus belle des manières : lors de leur sélection pour les Jeux de Rio, pour se qualifier, ils avaient mis sur la touche les jumeaux Peter et Pavol Hoschschorner, triples champions olympiques ! La nouvelle génération a ainsi pris le pouvoir à Rio.
« Nous avons commencé à l’âge de huit ans, a dit Ladislav Skantar. Dès le départ, il était assez clair que nous allions faire du canoë biplace. La première personne qui a lancé notre carrière, c’était mon père. Nous venons d’un tout petit village et il n’y avait que deux possibilités, jouer au football ou pratiquer le canoë biplace. Nous avons choisi la deuxième solution et mon père nous a toujours soutenus ». Jusqu’à la descente en or de Rio !
Pour Richard Hounslow, déjà médaillé d’argent à Londres 2012 avec le même partenaire, « cela aurait été génial qu’une ou deux de ces médailles d’argent aient été en or. On a été si proches de la victoire les deux fois, et si proches de rien du tout aussi. Je suis très fier de ce que j’ai accompli et très fier de mes deux médailles d’argent ».
Au pied du podium à Londres il y a quatre ans, Gauthier Klauss et Matthieu Péché n’ont pas laissé passer leur chance dans les eaux bouillonnantes du bassin d’eaux-vives de Deodoro. « Même si on était venu pour chercher l'or, c'est une médaille de bronze qu'on va savourer », a réagi Matthieu Péché, très heureux d'avoir décroché le podium au terme d'une « super finale où le C2 a montré qu'il méritait de rester au programme des Jeux ». « Quand on regardera derrière tout ce qui a été fait, cette médaille, elle vaut de l’or. »