Pour la star des JOJ Jazmin Sawyers, chanter sur scène est plus effrayant que participer aux Jeux Olympiques
La Britannique Jazmin Sawyers a retenu pour la première fois notre attention lorsqu'elle a remporté la médaille d'argent en bobsleigh aux Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) d'hiver d'Innsbruck 2012… puis à nouveau l'année dernière quand elle est arrivée en finale du saut en longueur aux Jeux Olympiques de Rio 2016.
Cette jeune femme âgée de 23 ans, aux multiples talents, a non seulement réussi le pari de changer de sport, mais elle a également trouvé le temps de participer à l'émission de télévision britannique The Voice, de décrocher son diplôme de droit à l'Université de Bristol et de s'adjuger la médaille d'argent du saut au longueur aux Championnats d'Europe et aux Jeux du Commonwealth.
Revenons avec elle sur son parcours olympique unique.
On te connaît davantage à l'heure actuelle comme spécialiste du saut en longueur que comme bobeuse ; or, tu as remporté une médaille d'argent en bobsleigh aux Jeux Olympiques de la Jeunesse d'hiver d'Innsbruck 2012. Comment en es-tu arrivée à faire du bobsleigh ?
Avant de me mettre au bobsleigh, je faisais de l'heptathlon. Je m'entraînais à la Millfield School dans le Somerset (en Grande-Bretagne) quand des entraîneurs de l'équipe britannique de bobsleigh sont venus présenter leur sport à la recherche d'athlètes désireux d'intégrer l'équipe en vue des Jeux Olympiques de la Jeunesse. J'ai pensé que ça pouvait être amusant. Ils cherchaient des athlètes rapides et puissants, et les épreuves de vitesse et de puissance avaient toujours été mes points forts en heptathlon. Donc je me suis dit : "Pourquoi pas. Allons-y !" J'ai réussi à intégrer l'équipe et nous nous sommes entraînés pendant deux ans pour Innsbruck.Comment as-tu vécu ce changement sportif, avec des objectifs totalement nouveaux ?
Comme une occasion unique, en partie parce que j'avais loupé les Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2010 à Singapour à cause d'une blessure à la cuisse. Je me rappelle avoir été tellement déçue de passer à côté de cet événement. Aussi quand les gens de la Fédération britannique de bobsleigh sont venus, je me suis dit : "C'est une occasion incroyable. Tu es jeune, tu n'as pas déjà besoin de te spécialiser dans un sport, tu peux en essayer d'autres. Quand auras-tu la chance d'aller à une autre édition des JOJ ? Jamais ! Tu seras trop âgée. C'est un sport que tu n'as jamais pratiqué, on t'offre une occasion unique. Saisis-là. Fais un essai." Cela revenait à me donner la possibilité d'aller aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, alors que je pensais ce rêve envolé après 2010. Une nouvelle chance s'offrait à moi ; j'aurais été stupide de dire non. Getty Images
Après Innsbruck, au lieu de retourner à l'heptathlon, tu es passée au saut au longueur. Pourquoi ?
Je n'ai jamais vraiment arrêté l'athlétisme. Je faisais du bobsleigh l'hiver et de l'athlétisme l'été. Après 2012, je n'étais prête physiquement que pour une seule épreuve parce que je ne m'étais pas entraînée pour le 800 mètres [j'étais concentrée sur le bobsleigh]. Et cette épreuve, c'était le saut en longueuJ'avais dans l'idée de revenir à l'heptathlon l'année suivante, mais je me suis rendu compte que j'étais bien meilleure au saut en longueur que je ne l'avais jamais été en heptathlon. Du coup, j'ai continué le saut en longueur, ce qui signifiait également que je n’avais plus à courir le 800 m, et ça, c'était une excellente nouvelle !Penses-tu que ton expérience à Innsbruck t'a aidée à te préparer pour les Jeux Olympiques de Rio 2016 l'année dernière ?
Absolument. Le simple fait de vivre avec les autres athlètes britanniques, tous sports confondus, ou de se promener dans le village et de rencontrer des champions d'autre nationalités… c'est une chance unique de vivre une telle expérience parce que, quand tu arrives aux Jeux Olympiques, tu sais déjà ce qui t'attend. Et tu penses : "Oh, c'est normal ! C'est comme à Innsbruck". Tu te rappelles comment les choses fonctionnent : l'accréditation, le restaurant. Ça rend les choses plus normales ; du coup, quand tu vas aux Jeux Olympiques, c'est moins impressionnant. Tout comme le fait d'avoir déjà dû faire face à la pression et à l'intensité que représente une médaille olympique – cela aide également. Même si tu participes à une épreuve pour laquelle tu t'es entraînée et dans laquelle tu as concouru des centaines de fois, le simple fait d'ajouter le mot "olympique" change tout. C'est à Innsbruck que nous l'avons appris. Donc à Rio, je savais à quoi m'attendre. J'étais prête à faire face à cette pression et à ce sentiment intense que représente une participation aux Jeux Olympiques.Que penses-tu de ton parcours jusqu'à Rio ?
Aller aux Jeux Olympiques est un rêve d'enfant. Ce n'est pas tout à fait le parcours que j'avais prévu cependant – je n'avais pas prévu par exemple les Jeux Olympiques de la Jeunesse – mais j'ai eu le sentiment d'être très bien préparée. J'avais tellement travaillé que, même si rien ne nous prépare réellement aux Jeux Olympiques, j'étais aussi prête que l'on pouvait l'être. Je pense que j'aurais trouvé les choses plus difficiles sans les Jeux Olympiques de la Jeunesse. En y repensant, ce fut une expérience incroyable et je suis heureuse d'avoir pris le temps de la vivre. J'ai beaucoup aimé Rio. Avec le recul, je peux maintenant analyser ce que j'aurais pu améliorer, aussi bien avant que pendant les Jeux, et m'en servir dans l'espoir de faire mieux à Tokyo [en 2020]. Getty Images
Penses-tu qu'il est important pour les jeunes athlètes de pratiquer différents sports comme tu l'as fait ?
Pour moi, c'était extrêmement important parce que cela m'a appris à ne pas accorder trop d'importance à certaines choses avant l'heure. Cela m'a donné la possibilité d'aimer ce que je faisais. Cela m'a permis, en tant que personne, de choisir ce que je voulais faire au lieu de courir après une chose sans relâche tout simplement parce que c'était ce que je faisais depuis mon enfance. J'ai le sentiment d'être arrivée là où je devais être de façon beaucoup plus naturelle grâce aux différentes expériences que j'ai vécues. En fait, je pense que la pratique de sports différents m'a aidée à être une meilleure athlète parce qu'en m'engageant dans toutes ces activités, je me suis préparée à faire énormément de choses. Je ne vois pas l'utilité de se spécialiser quand on est très jeune. Premièrement, il y a de fortes chances que vous vous lassiez ; deuxièmement, vous pourriez passer à côté de quelque chose que vous adorez et où vous pourriez excelleQuels conseils donnerais-tu aux jeunes athlètes qui hésitent entre deux sports ?
Je pense que je leur dirais de faire ce qu'ils aiment le plus. C'est comme cela que je me suis retrouvée sur l'étrange voie que j'ai suivie : à tout donner pour ce que j'aimais le plus. Je pense que c'est ainsi que l'on réussit. La clé du succès, c'est le bonheur, pas l'inverse. Il faut accepter que les choses ne se passent pas nécessairement comme on le pense, car en fait ce n'est jamais le cas. Si je m'en étais tenue rigoureusement aux projets que j'avais à 14 ou 15 ans, je ne pense pas que je serais allée à Rio. Getty Images