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Lucie Décosse : "On sent que quelque chose de très fort est en train de se passer"

Lucie Décosse, superstar du judo international, triple championne du monde, double médaillée olympique - l’argent à Beijing en 2008 et l’or à Londres en 2012 -, n°1 mondiale dans deux catégories au cours d’une carrière longue de 15 ans, raconte l’émotion qu'elle a ressentie lors des cérémonies d’ouverture des Jeux auxquelles elle a eu le bonheur de participer.

"Pour mes premiers Jeux à Athènes en 2004, je suis particulièrement stressée, car il faut que je sois au poids dans ma catégorie -63 kg, et je vais combattre quatre jours après la cérémonie d’ouverture. Mais j’ai tellement envie de découvrir ça ! Je vais donc participer à mon premier défilé avec l’équipe de France. Ce 13 août 2004 en fin d’après-midi, l’émotion monte. On met la tenue officielle et on fait une photo de l’équipe de France de judo. Quand on arrive dans le grand groupe avec tous les athlètes, le cœur commence à battre plus fort, on sent que quelque chose de très fort est en train de se passer. Au village nous savions déjà que nous étions aux Jeux, mais on le comprend encore plus ! On est tellement contents d’être là, ça y est, nous sommes des olympiens !"

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Entrer dans le stade : "une impression énorme"
"On doit attendre quelque chose comme mille heures avant d’entrer dans le stade, ça fait un peu redescendre l’ambiance. Mais on rigole bien, on met l’ambiance. Puis on se met en formation, dans les couloirs du stade, on commence à s’échauffer, on chante la Marseillaise, c’est le grand frisson. Quand je pénètre dans le stade, c’est tellement énorme, tellement géant, et la première chose que je me dis à 23 ans, c’est "mais comment font-ils en athlétisme pour faire des compétitions dans une telle ambiance, devant une foule pareille. Ils doivent avoir une sacrée pression !". Le contraste avec l’atmosphère confinée des salles de judo est saisissant. C’est carrément énorme de faire du sport observé par tant de monde. Quant au défilé, il passe très vite. On fait un tour de piste qui paraît si rapide, on salue la foule, et voilà, on se retrouve dans les gradins pour assister à la fin du spectacle. Moi, je prends beaucoup de photos, histoire de garder un formidable souvenir de ce moment si particulier."

Un regroupement unique
"À Beijing en 2008, je ne participe pas au défilé, je suis totalement concentrée sur ma compétition où j’arrive avec de grandes ambitions. Mais quatre ans plus tard à Londres, je suis beaucoup plus sereine. J’ai décidé d’en profiter à fond, puisque ce sont mes derniers Jeux. Et puis à Londres, le village est à côté du stade olympique où on peut se rendre à pied. Je m’y rends avec ma coéquipière Anne-Sophie Mondière. Dans notre tenue, il y a un foulard sur lequel j’écris "papa, maman, les prénoms des membres de ma famille, mes sœurs, ma grand-mère… ", je suis en mode partage avec tous les miens, mais je sais bien qu’ils ne verront pas ce message."
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"Là, je suis soulagée par rapport à Athènes 2004 où j’avais peur et où mon esprit oscillait entre émotion et approche de ma compétition. Huit ans plus tard, il n’y a rien de tout cela. Je vis un super moment, je combats dans cinq jours, la vie est belle. J’apprécie à fond le défilé. Et surtout, ce regroupement exceptionnel est pour moi l’occasion de revoir des athlètes que je n’ai jamais l’occasion de fréquenter…sauf aux JO. Comme la capitaine de l’équipe de France de basketball Céline Dumerc, on s’était connues à l’INSEP en 1999 et on ne s’était jamais revues, mais j’avais suivi son parcours. Avec elle, et aussi avec d’autres athlètes, que pour certains je n’avais jamais croisés, nous sommes euphoriques, nous nous découvrons, nous discutons, nous nous congratulons, nous partageons nos émotions. Au village, chacun a ses propres horaires, s’entraîne, suit son programme. Là, du coup, nous sommes la France !"

Le phénomène Usain Bolt
"Lors de cette cérémonie, j’ai l’occasion de constater l’ampleur du phénomène Usain Bolt. À un endroit du stade, je vois un énorme attroupement. Des dizaines d’athlètes s’approchent de la star pour faire des selfies en sa compagnie. Je me dis "ouaaaah". Quant à moi, impossible de m’approcher. En tout cas, j’ai fait mon tour du stade olympique, ça y est, j’aurai ça dans mes souvenirs des Jeux de 2012, contrairement à ceux de 2008 où je m’étais mis la pression. Quand on est un peu plus âgé, on se dit que cela ne change rien et je suis si heureuse d’avoir vécu ce moment ! Mais je n’ai pas de souvenirs précis du spectacle grandiose, je ne suis pas spectatrice."

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"En fait, j’aurai plus tard l’occasion d’assister à des spectacles complets, aux Jeux Paralympiques, et en 2014 aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nanjing. Alors que là, quand on est athlète, on vit d’autres émotions, c’est le seul moment où on est tous ensemble. On rit, on chante, et on se dit qu’on n'est pas là seulement pour notre sport. C’est si important."

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